LE CAUCHEMAR DU DR BOB (extrait du livre " Les Alcooliques Anonymes "
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LE CAUCHEMAR DU DR BOB (extrait du livre " Les Alcooliques Anonymes "
LE CAUCHEMAR DU DR BOB
Il est un des fondateurs des Alcooliques anonymes. La naissance de notre société remonte à son premier jour d’abstinence permanente, le 10 juin 1935.
Jusqu’en 1950, année de sa mort, il a transmis le mes- sage des AA à plus de 5 000 hommes et femmes alcooliques et il leur a prodigué des soins médicaux sans penser à se faire payer.
Dans ce merveilleux travail de service, il a été secondé avec efficacité par une des plus grandes amies du Mouvement, Sœur Ignatia, de l’hôpital St. Thomas à Akron, Ohio.
Je suis né dans un petit village de la Nouvelle-Angle- terre, qui comptait environ sept mille habitants. Les normes de moralité étaient, d’après mon souvenir, beaucoup plus élevées que la moyenne. Aucune boisson alcoolisée ni aucune bière n’étaient vendues dans le voisinage, sauf au magasin d’alcool de l’État où il était peut-être possible de s’en procurer un demi-litre, si la personne pouvait convaincre l’agent que cet alcool lui était absolument nécessaire.
Sans cette preuve, l’acheteur éventuel devait repartir les mains vides, privé de cette chose que j’en étais venu plus tard à considérer comme la grande panacée pour tous les maux humains. Les hommes qui se faisaient livrer de l’alcool de Boston ou de New York étaient considérés avec grande méfiance et mal vus par les bonnes gens du village. Cet endroit comptait beaucoup d’églises et d’écoles. C’est là que j’ai commencé ma vie scolaire.
Mon père exerçait une profession pour laquelle sa compétence était reconnue. Ma mère et lui consacraient beaucoup de temps aux activités paroissiales. Aussi bien mon père que ma mère avaient une intelligence très au-dessus de la moyenne.
Malheureusement pour moi, j’étais enfant unique, ce qui a peut-être été à l’origine de l’égoïsme qui a joué un rôle si important dans l’apparition de mon alcoolisme.
De mon enfance à la fin de mes études secondaires, j’ai été plus ou moins obligé d’aller à l’église. Je devais assister à l’école du dimanche ainsi qu’aux offices religieux en soirée, participer le lundi aux réunions de la Christian Endeavor et, parfois, à la réunion de prière du mercredi soir.
Cela a eu pour effet de me faire prendre la résolution de ne jamais remettre les pieds dans une église une fois libéré de l’emprise parentale. J’ai tenu ma résolution pendant les 40 années suivantes, sauf lorsque les circonstances m’empêchaient d’agir autrement.
Après le secondaire, j’ai passé quatre années dans un des meilleurs collèges du pays, là où boire semblait être une activité parascolaire très importante. Presque tout le monde buvait. J’ai bu de plus en plus et j’ai eu beaucoup de plaisir sans avoir trop de problèmes, physiques ou financiers. Le lendemain d’une cuite, il semblait que je pouvais me remettre en forme beaucoup plus facilement que la plupart de mes compagnons de beuverie qui avaient le malheur (ou peut- être le bonheur) d’être grandement affectés par la nausée du lendemain. De toute ma vie, je n’ai jamais eu mal à la tête, ce qui me porte à croire que j’étais un alcoolique presque dès le départ. Il semblait que toute ma vie était centrée sur ce que je voulais, sans aucun égard pour les droits, les désirs ou les privilèges de qui que ce soit ; cet état d’esprit a pris de plus en plus d’importance en vieillissant.
Aux yeux de la confrérie des buveurs, j’ai obtenu mon diplôme avec « grande distinction », mais le Doyen ne le voyait pas ainsi.
J’ai passé les trois années suivantes à Boston, à Chicago et à Montréal comme employé d’une grande industrie manufacturière de fournitures de matériel ferroviaire, de moteurs à gaz de toutes sortes et de plusieurs autres pièces d’équipement lourd.
Durant ces années-là, j’ai bu autant que mes finances me le permettaient, sans en subir trop d’inconvénients, bien que je commençais à avoir des tremblements de temps en temps le matin. Pendant ces trois années, je n’ai manqué qu’une demi-journée de travail.
J’ai ensuite décidé d’entreprendre des études de médecine dans une des plus grandes universités du pays. Là, j’ai entrepris de boire avec beaucoup plus d’application qu’auparavant. En raison de ma capacité de boire de la bière en énorme quantité, on m’a élu membre d’une société de buveurs et rapidement, je suis devenu un des leaders du groupe. Plus d’un matin, en me rendant aux cours, j’ai rebroussé chemin pour rentrer à la résidence des étudiants. J’étais bien préparé mais je n’osais pas rentrer dans la salle de peur d’attirer l’attention sur mes tremblements, si on m’interrogeait.
Les choses allèrent de mal en pis jusqu’au printemps de ma deuxième année. Après une longue période de beuverie, je me suis dit que je ne pouvais pas terminer mon cours. J’ai donc plié bagage pour partir dans le Sud et y passer un mois dans une grande ferme appartenant à un de mes amis.
Quand j’ai commencé à y voir plus clair, je me suis dit que ma décision d’abandonner mes études était très sotte et que je ferais mieux d’y retourner.
De retour à l’université, j’ai découvert que la faculté avait un point de vue différent du mien. Après bien des discussions, on m’a permis de me présenter aux examens que j’ai d’ailleurs tous bien réussis.
Les membres de la direction étaient passablement dégoûtés de moi et ils m’ont dit qu’ils essaieraient de se passer de ma présence. Après de pénibles discussions, ils m’ont enfin accordé mes crédits et j’ai déménagé mes pénates dans une autre université reconnue où, à l’automne, j’entrais en troisième année.
Dans cette nouvelle université, j’ai bu encore plus qu’avant, si bien que les gars de la résidence d’étudiants où j’habitais se sont sentis obligés de faire venir mon père. Celui-ci a fait un long voyage pour tenter, en vain, de me remettre d’aplomb. Son intervention a eu peu de succès puisque j’ai continué à boire ; je consommais même plus de boisson forte qu’auparavant.
Juste avant les examens de ma dernière année, je me suis lancé dans une cuite particulièrement grave. Lorsque je me suis rendu dans la salle d’examens, ma main tremblait si fort que j’étais incapable de tenir mon crayon. J’ai remis au moins trois copies vierges. Je fus acculé au pied du mur par la direction qui a exigé que je fasse deux autres trimestres sans boire une seule goutte d’alcool si je voulais obtenir mon diplôme. J’ai réussi à faire ce qu’on exigeait de moi, à la satisfaction de la faculté, tant au point de vue de mes études qu’à celui de ma conduite.
Je me suis d’ailleurs si bien conduit que j’ai réussi à décrocher un poste d’interne très convoité dans une ville de l’Ouest.
Pendant les deux ans que j’y ai passés, j’ai eu tellement de travail que je n’ai presque pas quitté l’hôpital. De ce fait, je ne pouvais pas m’attirer d’ennuis.
Après ces deux années d’internat, j’ai ouvert un cabinet dans le centre-ville. J’avais de l’argent, beaucoup de temps libre et de gros maux d’estomac.
J’ai vite découvert que quelques verres atténuaient mes douleurs gastriques, du moins pendant quelques heures ; je n’ai eu aucun mal à retourner à ma consommation exces- sive d’autrefois.
Je commençais alors à avoir de graves problèmes de santé. Dans l’espoir de trouver quelque soulagement à mon mal, je suis entré de mon propre chef au moins une douzaine de fois dans des cliniques locales. J’étais pris entre deux feux. Si je ne buvais pas, j’avais des maux d’estomac terribles, et si je buvais, j’avais les nerfs à fleur de peau. Après trois années de cette torture, j’ai abouti à l’hôpital où l’on a tenté de m’aider. Je m’arrangeais pour que mes amis m’apportent de l’alcool ou bien j’en volais dans l’établissement ; mon état s’est aggravé rapidement.
Finalement, mon père a dû m’envoyer un médecin de chez nous qui a réussi à me ramener à la maison.
Je suis resté au lit environ deux mois avant de pouvoir sortir.
J’ai vécu là-bas encore quelques mois avant de retourner à ma pratique médicale. Ou bien cette expérience m’a fait peur, ou j’ai eu peur des avertissements du médecin, à moins que ce ne soit les deux. De toute façon, je n’ai pas pris un verre jusqu’au temps de la prohibition.
Après l’adoption du 18e Amendement, je me suis senti en sécurité. Je savais que les gens s’achèteraient quelques bouteilles ou quelques caisses d’alcool, selon leurs moyens, et que le stock serait vite écoulé.
Cela ne pouvait donc pas me faire beaucoup de tort de boire un peu. À ce moment-là, je ne savais pas que le gouvernement permettait aux médecins de se procurer de l’alcool en quantité presque illimitée. Je n’avais non plus jamais entendu parler des trafiquants d’alcool de contrebande qui firent bientôt leur apparition.
Au début, j’ai bu modérément, mais il m’a fallu relativement peu de temps pour retomber dans mes vieilles habitudes dont les conséquences avaient été si désastreuses pour moi.
Pendant les quelques années qui ont suivi, j’ai vu grandir en moi deux phobies : la peur de ne pas dormir et la peur de manquer d’alcool.
Comme je n’étais pas riche, je savais que je ne devais pas boire en certaines circonstances si je voulais gagner assez d’argent pour ne pas manquer d’alcool. Donc, la plupart du temps, je ne prenais pas le verre du matin dont j’avais tant besoin. Je le remplaçais par des sédatifs pour calmer les tremblements qui m’angoissaient.
Il m’arrivait parfois de succomber au désir de boire le matin, mais dans ce cas, après quelques heures, je n’étais plus en état de travailler.
De plus, cela réduisait mes chances de rapporter de l’alcool chez moi le soir, ce qui signifiait que je passerais la nuit éveillé, à tourner dans mon lit avant de retrouver les tremblements intolérables du lendemain matin.
Pendant les quinze années qui ont suivi, j’ai eu la présence d’esprit de ne pas aller à l’hôpital après avoir bu et je recevais rarement des patients à mon cabinet.
Quelquefois, je me réfugiais dans un des clubs dont j’étais membre, et parfois je me terrais dans un hôtel où je m’inscrivais sous un faux nom. Mes amis réussissaient ordinairement à me retrouver et j’acceptais de rentrer à la maison s’ils me promettaient que je ne serais pas réprimandé.
Si ma femme avait prévu de sortir l’après-midi, je me procurais beaucoup d’alcool que je cachais un peu partout dans la maison : dans la soute à charbon, dans la descente à linge sale, au-dessus des cadrages de portes, au-dessus des poutres de la cave, sous les carreaux du plancher. Les vieilles malles et les coffres, les vieux récipients et même le seau à cendres me servaient aussi de cachettes.
Si je ne me suis pas servi du réservoir des toilettes, c’est que je pensais que cette cachette était trop facile à découvrir. J’ai d’ailleurs appris plus tard que ma femme en faisait l’inspection régulièrement. Je mettais une bouteille de huit ou douze onces dans un gant doublé de fourrure que je balançais sur le porche arrière à la rapide tombée de la nuit en hiver.
Mon fournisseur contrebandier cachait de l’alcool sous les marches de l’entrée arrière et je pouvais donc y avoir accès tout le temps. Parfois j’apportais de l’alcool dans mes poches mais comme elles étaient fouillées, cela devenait trop risqué. Je remplissais aussi des bouteilles de quatre onces que j’insérais dans mes chaussettes.
Cette ruse a fonctionné jusqu’au jour où ma femme et moi sommes allés voir la pièce « Tug- boat Annie » avec Wallace Beery ; ce fut la fin de la cachette dans les chaussettes !
Je ne raconterai pas toutes mes expériences dans les hôpitaux et les cliniques. Ce serait trop long.
Pendant ce temps-là, nos amis nous évitaient plus ou moins. Nous n’étions plus invités chez eux puisqu’il était certain que je me soûlerais. Pour la même raison, ma femme n’osait pas les inviter non plus. Ma peur de l’insomnie exigeait que je m’enivre tous les soirs mais pour avoir de l’alcool dans la soirée, je devais ne pas boire durant le jour, du moins jusqu’à 16 heures. Cette routine a duré 17 ans presque sans interruption.
C’était réellement un cauchemar horrible : gagner de l’argent, acheter de l’alcool, apporter l’alcool en cachette à la maison, me soûler, trembler le matin, prendre des séda- tifs pour pouvoir travailler et gagner de l’argent, et recommencer ainsi à n’en plus finir. Je promettais à ma femme, à mes amis, à mes enfants, de ne plus boire, mais malgré ma grande sincérité du moment, je réussissais rarement à m’abstenir de boire jusqu’au soir.
Dans l’intérêt de ceux qui ont un penchant pour les expériences, je vais dire un mot de ce que j’appelle l’expérience de la bière. Lorsque cette boisson est revenue sur le marché, je me suis cru en sécurité. Je pouvais en boire autant que je voulais. C’était sans danger, puisque personne ne s’enivre à boire de la bière.
J’en ai donc rempli la cave, avec la permission de ma bonne épouse.
Bientôt, je buvais au moins une caisse et demie de bière par jour. J’ai engraissé de quinze kilos en deux mois environ ; je ressemblais à un porc et j’avais de la difficulté à respirer. Je me suis alors dit que l’odeur de la bière camouflait toute autre odeur d’alcool et j’ai commencé à renforcer ma bière avec de l’alcool pur. Évidemment, le résultat fut très mauvais. C’est ainsi que l’expérience de la bière a pris fin
.
À peu près à la même époque, je me suis trouvé au sein d’un groupe de personnes qui m’attiraient par l’impression de calme, de santé et de bonheur qu’elles dégageaient.
Elles s’exprimaient avec aisance, sans gêne aucune, chose que je n’étais jamais arrivé à faire, et elles semblaient être tout à fait à l’aise en toute circonstance et en pleine forme. Surtout, elles paraissaient heureuses.
Pour ma part, j’étais timide et je me sentais mal à l’aise la plupart du temps ; ma santé était sur le point de craquer et j’étais profondément malheureux. Je sentais que ces gens-là avaient quelque chose qui me manquait et qui me serait d’un grand secours.
J’ai appris qu’il s’agissait de quelque chose de spirituel, ce qui ne m’attirait pas beaucoup, mais je me suis dit que cela ne pouvait pas me faire de tort.
J’ai longuement réfléchi sur le sujet pendant les deux années et demie qui ont suivi, ce qui ne m’a pas empêché de m’enivrer tous les soirs.
Je lisais tout ce que je pouvais trouver sur le sujet et je parlais à toutes les personnes que je croyais informées.
Ma femme s’est vivement intéressée à la chose et c’est son intérêt qui m’a motivé, bien que jamais je n’ai senti que je pouvais trouver là la solution à mon problème d’alcool.
Je ne saurai jamais comment ma femme a réussi à garder sa confiance et son courage pendant toutes ces années, mais elle l’a fait. S’il en avait été autrement, je sais que je serais mort depuis longtemps. J’ignore pour quelle raison, mais nous, les alcooliques, avons le don de choisir les meilleures femmes du monde.
Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi elles doivent subir toutes les tortures que nous leur infligeons.
À peu près à la même époque, une dame a téléphoné à ma femme un samedi après-midi. Elle voulait m’inviter chez elle dans la soirée pour me présenter un de ses amis qui serait en mesure de m’aider.
C’était la veille de la fête des Mères ; j’étais rentré à la maison en apportant une grosse plante que j’avais déposée sur la table avant d’aller me coucher, ivre mort.
Le lendemain, la dame a téléphoné de nouveau. Par politesse, et même si je me sentais mal, j’ai accepté l’invitation, mais en arrachant à ma femme la promesse que nous ne resterions pas plus de 15 minutes
.
Nous sommes entrés à 17 h exactement pour ressortir à 23 h 15.
Par la suite, j’ai de nouveau eu quelques brèves conversations avec cet homme et j’ai soudain cessé de boire.
Mon abstinence a duré environ trois semaines ; par la suite, je suis allé à Atlantic City pendant quelques jours pour assister au congrès que tenait une société nationale dont j’étais membre.
Pendant le voyage en train, j’ai bu tout le scotch qu’il y avait, et j’ai même acheté plusieurs bouteilles en me rendant à l’hôtel. C’était un dimanche. Je me suis soûlé ce soir-là ; le lundi, je n’ai pas bu jusqu’après le dîner, puis je me suis enivré de nouveau. J’ai bu au bar tout ce que j’osais boire en public, puis je me suis rendu à ma chambre pour terminer ce que j’avais commencé.
Le mardi, j’ai commencé à boire le matin et, à midi, j’étais ivre. Ne voulant pas déshonorer mon nom, j’ai quitté l’hôtel. En route pour la gare, j’ai encore acheté de la boisson. Je devais attendre le train quelques heures. Je ne me rappelle plus ce qui s’est passé après cela, sinon que je me suis réveillé chez un ami qui habitait une ville voisine de la mienne.
Ces bonnes gens ont communiqué avec ma femme qui a envoyé mon nouvel ami me chercher. Il m’a ramené à la maison et m’a mis au lit. Ce soir-là, il m’a donné quelques verres et une bouteille de bière le lendemain matin.
C’était le 10 juin 1935, et ce fut mon dernier verre.
Au moment où j’écris ces lignes, près de quatre années se sont écoulées.
Vous vous demandez sans doute ce que cet homme a bien pu faire ou dire de différent de ce que d’autres avaient pu faire ou dire avant lui. Il faut se rappeler que j’avais beaucoup lu sur l’alcoolisme et que j’avais parlé à tous ceux qui étaient renseignés sur le sujet ou croyaient l’être. Je me trouvais maintenant en face d’un homme qui avait vécu pendant de nombreuses années l’effrayante expérience de l’alcoolisme, qui avait connu à peu près toutes les expériences possibles pour un ivrogne, et qui avait été guéri par les mêmes moyens que j’avais essayé d’utiliser, c’est-à-dire par l’approche spirituelle.
Il m’a donné des informations sur l’alcoolisme qui m’ont certainement aidé.
Beaucoup plus important encore, pour la première fois de ma vie, j’étais en face d’un être humain qui savait, par expérience, de quoi il parlait quand il s’agissait d’alcoolisme.
En d’autres mots, il parlait la même langue que moi.
S’il connaissait toutes les réponses, ce n’était sûrement pas parce qu’il les avait lues quelque part.
C’est un cadeau vraiment extraordinaire que d’être libéré d’un mal aussi terrible que celui qui m’accablait.
Ma santé est bonne, j’ai retrouvé le respect de moi- même et je suis à nouveau respecté par mes collègues. Ma vie de famille est parfaite et mes affaires vont aussi bien que possible en ces temps incertains.
Je passe beaucoup de temps à transmettre ce que j’ai appris à ceux qui veulent l’entendre et qui en ont tant besoin. Je le fais pour quatre raisons :
1. Par sens du devoir
.
2. Par plaisir.
3. Parce que cela me permet de payer ma dette envers l’homme qui a pris le temps de me trans- mettre le message
.
4. Parce que chaque fois que j’aide quelqu’un, je me prémunis davantage contre une rechute possible.
Contrairement à la plupart de nos membres, il m’a fallu deux années et demie d’abstinence avant de perdre l’obsession de boire.
Cette obsession ne me quittait presque jamais. Par contre, jamais je n’ai été sur le point de succomber.
Il fut un temps où j’étais terriblement révolté de voir mes amis boire alors que je ne pouvais pas me le permettre, mais j’en suis arrivé à me dire que moi aussi j’avais déjà eu ce privilège, que j’en avais tellement abusé qu’il m’avait été retiré.
Je n’avais donc pas le droit de me plaindre. Après tout, personne ne m’avait jamais ouvert la bouche de force pour y verser de l’alcool.
Si vous vous croyez athée, agnostique ou que vous êtes sceptique, ou si vous entretenez une sorte d’orgueil intellectuel qui vous empêche d’accepter ce qui se trouve dans ce livre, alors je suis désolé pour vous.
Si vous pensez encore que vous êtes assez fort pour gagner la partie seul avec vos propres moyens, c’est votre affaire. Mais si vous voulez vraiment, honnêtement, cesser de boire pour de bon, et si vous pensez sincèrement avoir besoin d’aide, nous savons que nous avons une réponse pour vous. Elle ne rate jamais, même si vous n’y mettez que la moitié du zèle que vous mon- triez pour vous procurer un verre.
Votre Père céleste ne vous abandonnera jamais !
Il est un des fondateurs des Alcooliques anonymes. La naissance de notre société remonte à son premier jour d’abstinence permanente, le 10 juin 1935.
Jusqu’en 1950, année de sa mort, il a transmis le mes- sage des AA à plus de 5 000 hommes et femmes alcooliques et il leur a prodigué des soins médicaux sans penser à se faire payer.
Dans ce merveilleux travail de service, il a été secondé avec efficacité par une des plus grandes amies du Mouvement, Sœur Ignatia, de l’hôpital St. Thomas à Akron, Ohio.
Je suis né dans un petit village de la Nouvelle-Angle- terre, qui comptait environ sept mille habitants. Les normes de moralité étaient, d’après mon souvenir, beaucoup plus élevées que la moyenne. Aucune boisson alcoolisée ni aucune bière n’étaient vendues dans le voisinage, sauf au magasin d’alcool de l’État où il était peut-être possible de s’en procurer un demi-litre, si la personne pouvait convaincre l’agent que cet alcool lui était absolument nécessaire.
Sans cette preuve, l’acheteur éventuel devait repartir les mains vides, privé de cette chose que j’en étais venu plus tard à considérer comme la grande panacée pour tous les maux humains. Les hommes qui se faisaient livrer de l’alcool de Boston ou de New York étaient considérés avec grande méfiance et mal vus par les bonnes gens du village. Cet endroit comptait beaucoup d’églises et d’écoles. C’est là que j’ai commencé ma vie scolaire.
Mon père exerçait une profession pour laquelle sa compétence était reconnue. Ma mère et lui consacraient beaucoup de temps aux activités paroissiales. Aussi bien mon père que ma mère avaient une intelligence très au-dessus de la moyenne.
Malheureusement pour moi, j’étais enfant unique, ce qui a peut-être été à l’origine de l’égoïsme qui a joué un rôle si important dans l’apparition de mon alcoolisme.
De mon enfance à la fin de mes études secondaires, j’ai été plus ou moins obligé d’aller à l’église. Je devais assister à l’école du dimanche ainsi qu’aux offices religieux en soirée, participer le lundi aux réunions de la Christian Endeavor et, parfois, à la réunion de prière du mercredi soir.
Cela a eu pour effet de me faire prendre la résolution de ne jamais remettre les pieds dans une église une fois libéré de l’emprise parentale. J’ai tenu ma résolution pendant les 40 années suivantes, sauf lorsque les circonstances m’empêchaient d’agir autrement.
Après le secondaire, j’ai passé quatre années dans un des meilleurs collèges du pays, là où boire semblait être une activité parascolaire très importante. Presque tout le monde buvait. J’ai bu de plus en plus et j’ai eu beaucoup de plaisir sans avoir trop de problèmes, physiques ou financiers. Le lendemain d’une cuite, il semblait que je pouvais me remettre en forme beaucoup plus facilement que la plupart de mes compagnons de beuverie qui avaient le malheur (ou peut- être le bonheur) d’être grandement affectés par la nausée du lendemain. De toute ma vie, je n’ai jamais eu mal à la tête, ce qui me porte à croire que j’étais un alcoolique presque dès le départ. Il semblait que toute ma vie était centrée sur ce que je voulais, sans aucun égard pour les droits, les désirs ou les privilèges de qui que ce soit ; cet état d’esprit a pris de plus en plus d’importance en vieillissant.
Aux yeux de la confrérie des buveurs, j’ai obtenu mon diplôme avec « grande distinction », mais le Doyen ne le voyait pas ainsi.
J’ai passé les trois années suivantes à Boston, à Chicago et à Montréal comme employé d’une grande industrie manufacturière de fournitures de matériel ferroviaire, de moteurs à gaz de toutes sortes et de plusieurs autres pièces d’équipement lourd.
Durant ces années-là, j’ai bu autant que mes finances me le permettaient, sans en subir trop d’inconvénients, bien que je commençais à avoir des tremblements de temps en temps le matin. Pendant ces trois années, je n’ai manqué qu’une demi-journée de travail.
J’ai ensuite décidé d’entreprendre des études de médecine dans une des plus grandes universités du pays. Là, j’ai entrepris de boire avec beaucoup plus d’application qu’auparavant. En raison de ma capacité de boire de la bière en énorme quantité, on m’a élu membre d’une société de buveurs et rapidement, je suis devenu un des leaders du groupe. Plus d’un matin, en me rendant aux cours, j’ai rebroussé chemin pour rentrer à la résidence des étudiants. J’étais bien préparé mais je n’osais pas rentrer dans la salle de peur d’attirer l’attention sur mes tremblements, si on m’interrogeait.
Les choses allèrent de mal en pis jusqu’au printemps de ma deuxième année. Après une longue période de beuverie, je me suis dit que je ne pouvais pas terminer mon cours. J’ai donc plié bagage pour partir dans le Sud et y passer un mois dans une grande ferme appartenant à un de mes amis.
Quand j’ai commencé à y voir plus clair, je me suis dit que ma décision d’abandonner mes études était très sotte et que je ferais mieux d’y retourner.
De retour à l’université, j’ai découvert que la faculté avait un point de vue différent du mien. Après bien des discussions, on m’a permis de me présenter aux examens que j’ai d’ailleurs tous bien réussis.
Les membres de la direction étaient passablement dégoûtés de moi et ils m’ont dit qu’ils essaieraient de se passer de ma présence. Après de pénibles discussions, ils m’ont enfin accordé mes crédits et j’ai déménagé mes pénates dans une autre université reconnue où, à l’automne, j’entrais en troisième année.
Dans cette nouvelle université, j’ai bu encore plus qu’avant, si bien que les gars de la résidence d’étudiants où j’habitais se sont sentis obligés de faire venir mon père. Celui-ci a fait un long voyage pour tenter, en vain, de me remettre d’aplomb. Son intervention a eu peu de succès puisque j’ai continué à boire ; je consommais même plus de boisson forte qu’auparavant.
Juste avant les examens de ma dernière année, je me suis lancé dans une cuite particulièrement grave. Lorsque je me suis rendu dans la salle d’examens, ma main tremblait si fort que j’étais incapable de tenir mon crayon. J’ai remis au moins trois copies vierges. Je fus acculé au pied du mur par la direction qui a exigé que je fasse deux autres trimestres sans boire une seule goutte d’alcool si je voulais obtenir mon diplôme. J’ai réussi à faire ce qu’on exigeait de moi, à la satisfaction de la faculté, tant au point de vue de mes études qu’à celui de ma conduite.
Je me suis d’ailleurs si bien conduit que j’ai réussi à décrocher un poste d’interne très convoité dans une ville de l’Ouest.
Pendant les deux ans que j’y ai passés, j’ai eu tellement de travail que je n’ai presque pas quitté l’hôpital. De ce fait, je ne pouvais pas m’attirer d’ennuis.
Après ces deux années d’internat, j’ai ouvert un cabinet dans le centre-ville. J’avais de l’argent, beaucoup de temps libre et de gros maux d’estomac.
J’ai vite découvert que quelques verres atténuaient mes douleurs gastriques, du moins pendant quelques heures ; je n’ai eu aucun mal à retourner à ma consommation exces- sive d’autrefois.
Je commençais alors à avoir de graves problèmes de santé. Dans l’espoir de trouver quelque soulagement à mon mal, je suis entré de mon propre chef au moins une douzaine de fois dans des cliniques locales. J’étais pris entre deux feux. Si je ne buvais pas, j’avais des maux d’estomac terribles, et si je buvais, j’avais les nerfs à fleur de peau. Après trois années de cette torture, j’ai abouti à l’hôpital où l’on a tenté de m’aider. Je m’arrangeais pour que mes amis m’apportent de l’alcool ou bien j’en volais dans l’établissement ; mon état s’est aggravé rapidement.
Finalement, mon père a dû m’envoyer un médecin de chez nous qui a réussi à me ramener à la maison.
Je suis resté au lit environ deux mois avant de pouvoir sortir.
J’ai vécu là-bas encore quelques mois avant de retourner à ma pratique médicale. Ou bien cette expérience m’a fait peur, ou j’ai eu peur des avertissements du médecin, à moins que ce ne soit les deux. De toute façon, je n’ai pas pris un verre jusqu’au temps de la prohibition.
Après l’adoption du 18e Amendement, je me suis senti en sécurité. Je savais que les gens s’achèteraient quelques bouteilles ou quelques caisses d’alcool, selon leurs moyens, et que le stock serait vite écoulé.
Cela ne pouvait donc pas me faire beaucoup de tort de boire un peu. À ce moment-là, je ne savais pas que le gouvernement permettait aux médecins de se procurer de l’alcool en quantité presque illimitée. Je n’avais non plus jamais entendu parler des trafiquants d’alcool de contrebande qui firent bientôt leur apparition.
Au début, j’ai bu modérément, mais il m’a fallu relativement peu de temps pour retomber dans mes vieilles habitudes dont les conséquences avaient été si désastreuses pour moi.
Pendant les quelques années qui ont suivi, j’ai vu grandir en moi deux phobies : la peur de ne pas dormir et la peur de manquer d’alcool.
Comme je n’étais pas riche, je savais que je ne devais pas boire en certaines circonstances si je voulais gagner assez d’argent pour ne pas manquer d’alcool. Donc, la plupart du temps, je ne prenais pas le verre du matin dont j’avais tant besoin. Je le remplaçais par des sédatifs pour calmer les tremblements qui m’angoissaient.
Il m’arrivait parfois de succomber au désir de boire le matin, mais dans ce cas, après quelques heures, je n’étais plus en état de travailler.
De plus, cela réduisait mes chances de rapporter de l’alcool chez moi le soir, ce qui signifiait que je passerais la nuit éveillé, à tourner dans mon lit avant de retrouver les tremblements intolérables du lendemain matin.
Pendant les quinze années qui ont suivi, j’ai eu la présence d’esprit de ne pas aller à l’hôpital après avoir bu et je recevais rarement des patients à mon cabinet.
Quelquefois, je me réfugiais dans un des clubs dont j’étais membre, et parfois je me terrais dans un hôtel où je m’inscrivais sous un faux nom. Mes amis réussissaient ordinairement à me retrouver et j’acceptais de rentrer à la maison s’ils me promettaient que je ne serais pas réprimandé.
Si ma femme avait prévu de sortir l’après-midi, je me procurais beaucoup d’alcool que je cachais un peu partout dans la maison : dans la soute à charbon, dans la descente à linge sale, au-dessus des cadrages de portes, au-dessus des poutres de la cave, sous les carreaux du plancher. Les vieilles malles et les coffres, les vieux récipients et même le seau à cendres me servaient aussi de cachettes.
Si je ne me suis pas servi du réservoir des toilettes, c’est que je pensais que cette cachette était trop facile à découvrir. J’ai d’ailleurs appris plus tard que ma femme en faisait l’inspection régulièrement. Je mettais une bouteille de huit ou douze onces dans un gant doublé de fourrure que je balançais sur le porche arrière à la rapide tombée de la nuit en hiver.
Mon fournisseur contrebandier cachait de l’alcool sous les marches de l’entrée arrière et je pouvais donc y avoir accès tout le temps. Parfois j’apportais de l’alcool dans mes poches mais comme elles étaient fouillées, cela devenait trop risqué. Je remplissais aussi des bouteilles de quatre onces que j’insérais dans mes chaussettes.
Cette ruse a fonctionné jusqu’au jour où ma femme et moi sommes allés voir la pièce « Tug- boat Annie » avec Wallace Beery ; ce fut la fin de la cachette dans les chaussettes !
Je ne raconterai pas toutes mes expériences dans les hôpitaux et les cliniques. Ce serait trop long.
Pendant ce temps-là, nos amis nous évitaient plus ou moins. Nous n’étions plus invités chez eux puisqu’il était certain que je me soûlerais. Pour la même raison, ma femme n’osait pas les inviter non plus. Ma peur de l’insomnie exigeait que je m’enivre tous les soirs mais pour avoir de l’alcool dans la soirée, je devais ne pas boire durant le jour, du moins jusqu’à 16 heures. Cette routine a duré 17 ans presque sans interruption.
C’était réellement un cauchemar horrible : gagner de l’argent, acheter de l’alcool, apporter l’alcool en cachette à la maison, me soûler, trembler le matin, prendre des séda- tifs pour pouvoir travailler et gagner de l’argent, et recommencer ainsi à n’en plus finir. Je promettais à ma femme, à mes amis, à mes enfants, de ne plus boire, mais malgré ma grande sincérité du moment, je réussissais rarement à m’abstenir de boire jusqu’au soir.
Dans l’intérêt de ceux qui ont un penchant pour les expériences, je vais dire un mot de ce que j’appelle l’expérience de la bière. Lorsque cette boisson est revenue sur le marché, je me suis cru en sécurité. Je pouvais en boire autant que je voulais. C’était sans danger, puisque personne ne s’enivre à boire de la bière.
J’en ai donc rempli la cave, avec la permission de ma bonne épouse.
Bientôt, je buvais au moins une caisse et demie de bière par jour. J’ai engraissé de quinze kilos en deux mois environ ; je ressemblais à un porc et j’avais de la difficulté à respirer. Je me suis alors dit que l’odeur de la bière camouflait toute autre odeur d’alcool et j’ai commencé à renforcer ma bière avec de l’alcool pur. Évidemment, le résultat fut très mauvais. C’est ainsi que l’expérience de la bière a pris fin
.
À peu près à la même époque, je me suis trouvé au sein d’un groupe de personnes qui m’attiraient par l’impression de calme, de santé et de bonheur qu’elles dégageaient.
Elles s’exprimaient avec aisance, sans gêne aucune, chose que je n’étais jamais arrivé à faire, et elles semblaient être tout à fait à l’aise en toute circonstance et en pleine forme. Surtout, elles paraissaient heureuses.
Pour ma part, j’étais timide et je me sentais mal à l’aise la plupart du temps ; ma santé était sur le point de craquer et j’étais profondément malheureux. Je sentais que ces gens-là avaient quelque chose qui me manquait et qui me serait d’un grand secours.
J’ai appris qu’il s’agissait de quelque chose de spirituel, ce qui ne m’attirait pas beaucoup, mais je me suis dit que cela ne pouvait pas me faire de tort.
J’ai longuement réfléchi sur le sujet pendant les deux années et demie qui ont suivi, ce qui ne m’a pas empêché de m’enivrer tous les soirs.
Je lisais tout ce que je pouvais trouver sur le sujet et je parlais à toutes les personnes que je croyais informées.
Ma femme s’est vivement intéressée à la chose et c’est son intérêt qui m’a motivé, bien que jamais je n’ai senti que je pouvais trouver là la solution à mon problème d’alcool.
Je ne saurai jamais comment ma femme a réussi à garder sa confiance et son courage pendant toutes ces années, mais elle l’a fait. S’il en avait été autrement, je sais que je serais mort depuis longtemps. J’ignore pour quelle raison, mais nous, les alcooliques, avons le don de choisir les meilleures femmes du monde.
Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi elles doivent subir toutes les tortures que nous leur infligeons.
À peu près à la même époque, une dame a téléphoné à ma femme un samedi après-midi. Elle voulait m’inviter chez elle dans la soirée pour me présenter un de ses amis qui serait en mesure de m’aider.
C’était la veille de la fête des Mères ; j’étais rentré à la maison en apportant une grosse plante que j’avais déposée sur la table avant d’aller me coucher, ivre mort.
Le lendemain, la dame a téléphoné de nouveau. Par politesse, et même si je me sentais mal, j’ai accepté l’invitation, mais en arrachant à ma femme la promesse que nous ne resterions pas plus de 15 minutes
.
Nous sommes entrés à 17 h exactement pour ressortir à 23 h 15.
Par la suite, j’ai de nouveau eu quelques brèves conversations avec cet homme et j’ai soudain cessé de boire.
Mon abstinence a duré environ trois semaines ; par la suite, je suis allé à Atlantic City pendant quelques jours pour assister au congrès que tenait une société nationale dont j’étais membre.
Pendant le voyage en train, j’ai bu tout le scotch qu’il y avait, et j’ai même acheté plusieurs bouteilles en me rendant à l’hôtel. C’était un dimanche. Je me suis soûlé ce soir-là ; le lundi, je n’ai pas bu jusqu’après le dîner, puis je me suis enivré de nouveau. J’ai bu au bar tout ce que j’osais boire en public, puis je me suis rendu à ma chambre pour terminer ce que j’avais commencé.
Le mardi, j’ai commencé à boire le matin et, à midi, j’étais ivre. Ne voulant pas déshonorer mon nom, j’ai quitté l’hôtel. En route pour la gare, j’ai encore acheté de la boisson. Je devais attendre le train quelques heures. Je ne me rappelle plus ce qui s’est passé après cela, sinon que je me suis réveillé chez un ami qui habitait une ville voisine de la mienne.
Ces bonnes gens ont communiqué avec ma femme qui a envoyé mon nouvel ami me chercher. Il m’a ramené à la maison et m’a mis au lit. Ce soir-là, il m’a donné quelques verres et une bouteille de bière le lendemain matin.
C’était le 10 juin 1935, et ce fut mon dernier verre.
Au moment où j’écris ces lignes, près de quatre années se sont écoulées.
Vous vous demandez sans doute ce que cet homme a bien pu faire ou dire de différent de ce que d’autres avaient pu faire ou dire avant lui. Il faut se rappeler que j’avais beaucoup lu sur l’alcoolisme et que j’avais parlé à tous ceux qui étaient renseignés sur le sujet ou croyaient l’être. Je me trouvais maintenant en face d’un homme qui avait vécu pendant de nombreuses années l’effrayante expérience de l’alcoolisme, qui avait connu à peu près toutes les expériences possibles pour un ivrogne, et qui avait été guéri par les mêmes moyens que j’avais essayé d’utiliser, c’est-à-dire par l’approche spirituelle.
Il m’a donné des informations sur l’alcoolisme qui m’ont certainement aidé.
Beaucoup plus important encore, pour la première fois de ma vie, j’étais en face d’un être humain qui savait, par expérience, de quoi il parlait quand il s’agissait d’alcoolisme.
En d’autres mots, il parlait la même langue que moi.
S’il connaissait toutes les réponses, ce n’était sûrement pas parce qu’il les avait lues quelque part.
C’est un cadeau vraiment extraordinaire que d’être libéré d’un mal aussi terrible que celui qui m’accablait.
Ma santé est bonne, j’ai retrouvé le respect de moi- même et je suis à nouveau respecté par mes collègues. Ma vie de famille est parfaite et mes affaires vont aussi bien que possible en ces temps incertains.
Je passe beaucoup de temps à transmettre ce que j’ai appris à ceux qui veulent l’entendre et qui en ont tant besoin. Je le fais pour quatre raisons :
1. Par sens du devoir
.
2. Par plaisir.
3. Parce que cela me permet de payer ma dette envers l’homme qui a pris le temps de me trans- mettre le message
.
4. Parce que chaque fois que j’aide quelqu’un, je me prémunis davantage contre une rechute possible.
Contrairement à la plupart de nos membres, il m’a fallu deux années et demie d’abstinence avant de perdre l’obsession de boire.
Cette obsession ne me quittait presque jamais. Par contre, jamais je n’ai été sur le point de succomber.
Il fut un temps où j’étais terriblement révolté de voir mes amis boire alors que je ne pouvais pas me le permettre, mais j’en suis arrivé à me dire que moi aussi j’avais déjà eu ce privilège, que j’en avais tellement abusé qu’il m’avait été retiré.
Je n’avais donc pas le droit de me plaindre. Après tout, personne ne m’avait jamais ouvert la bouche de force pour y verser de l’alcool.
Si vous vous croyez athée, agnostique ou que vous êtes sceptique, ou si vous entretenez une sorte d’orgueil intellectuel qui vous empêche d’accepter ce qui se trouve dans ce livre, alors je suis désolé pour vous.
Si vous pensez encore que vous êtes assez fort pour gagner la partie seul avec vos propres moyens, c’est votre affaire. Mais si vous voulez vraiment, honnêtement, cesser de boire pour de bon, et si vous pensez sincèrement avoir besoin d’aide, nous savons que nous avons une réponse pour vous. Elle ne rate jamais, même si vous n’y mettez que la moitié du zèle que vous mon- triez pour vous procurer un verre.
Votre Père céleste ne vous abandonnera jamais !
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Date d'inscription : 15/12/2009
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